A la croisée des chemins : la juste considération d'un "vieux"

17 janvier 20..

Cher journal,

J'ai énormément discuté avec mon grand-père ces derniers temps. Il m'a longuement entretenu de sujets en relation avec la vieillesse. Et j'ai appris des tas de trucs ! Je ne peux pas tout te raconter, mais il m'a dit qu'il allait y avoir de plus en plus de personnes âgées dans le monde, que la grande question était de savoir comment gérer un tel tsunami sénile. Alors il m'a fait remarquer, en substance, qu'en France on disposait de plein de structures publiques pour héberger les seniors dépendants. En contrepartie, il m'a fait prendre conscience de toute la dépréciation dont ils sont victimes dans notre société. Selon lui, les plus jeunes devraient arrêter de dénigrer ainsi les plus de 65 ans. Sauf que ce n'est pas si facile... C'est vrai, j'ai un peu honte de le dire, mais moi je trouve que les "vieux", ce n'est pas vraiment beau : les rides, la peau flétrie et molle, le dos courbé, le sonotone, la canne, ça ne donne pas envie de leur adresser la parole, et quand il faut les embrasser c'est encore pire !! Bon, cela dit, parfois j'arrive à oublier tous ces traits physiques : certaines personnes, comme mon papy Gilbert, débordent tellement de vitalité, de malice malgré leur âge qu'on ne se rend même plus compte de leur état. Après tout, si le corps s'use, le caractère et la personnalité eux restent intacts !!! Oui, je crois que finalement je suis assez d'accord avec Grand-Père : aimons le 3ème âge !

24 février 20..

Honorable cahier de papier, ami de ma vie, compagnon de mes jours et soutien de mes nuits, écoute-moi :

Je viens de rentrer d'Afrique, où j'ai passé trois soirées à boire les paroles d'un vieux chef m'pongoué dont j'ai oublié le nom. Mais quelle claque ! Je crois qu'il n'aime pas beaucoup les Européens... A moins que ce ne soit une illusion. En tout cas, je suis revenu dépaysé, hanté par ses mots qui résonnent encore dans ma tête : je ne pensais pas que les gens là-bas souffraient autant, et cela m'incite à reconsidérer mon statut d'habitant de pays riche en comparant ma situation à la leur. Comment pouvons-nous nous plaindre ? Le sage nous a montré des familles déchirées par les maladies, rongées par la misère, mais qui ne se laissent pas ébranler pour autant, continuent à suivre leur route et arrivent même à partager des instants de gaieté avec leurs proches. Toutefois, son thème de prédilection, c'était celui des vieillards, et là aussi le constat n'est pas rose : bien que le rôle des personnes âgées au sein du foyer soit globalement reconnu, le territoire africain tout entier souffre d'un manque d'organismes de solidarité collectifs capables d'accueillir des seniors, ou encore de politiques efficaces de prise en charge du vieillissement. Les Etats ont en effet de plus en plus de mal à harmoniser les réponses aux défis posés par ce dernier avec les autres problèmes soulevés par une jeunesse plus nombreuse qui se cherche une identité, ainsi qu'une place dans la société. Ô vieux continent, parviendras-tu à trouver une issue cohérente face à ses nombreuses difficultés ? Depuis que je suis allé te rendre visite, je ne peux m'empêcher de l'espérer, au plus profond de mon coeur.

En résumé, nous pouvons tirer de ces extraits de cahiers jaunis (retrouvés il y a peu par nos soins...) deux visions antagonistes du vieillissement : plus de soutien public mais moins de respect individuel en France, moins d'aides à l'échelon national mais une plus forte solidarité intergénérationnelle en Afrique. Ce double aspect correspond à celui expérimenté par Justinien durant l'Antiquité romaine : plus on s'occupe des "vieux", moins ils sont perçus comme des sages qu'il faut respecter et plus ils sont considérés comme des "dépendants". Devant une telle corrélation, comment parvenir à atteindre un juste équilibre entre assistance et "abandon" des personnes âgées afin qu'elles bénéficient à la fois d'un semblant de reconnaissance et de conditions de vie acceptables ? La question reste ouverte...